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Secteur minier : Un remède aux pénuries récurrentes ?

Lors d’une émission publique des porte-paroles tenue dans la province de Rumonge, le 28 mars dernier, le porte-parole du gouvernement a rassuré les Burundais que, bientôt, le commerce des minerais allait résoudre la pénurie récurrente de carburant. Un économiste se pose une question : « N’est-ce pas une rhétorique politique déconnectée des réalités économiques et structurelles du Burundi ? »

Secteur minier au Burundi : Solution durable ou mirage économique ?

Le secteur minier est souvent envisagé comme une bouée de sauvetage pour les économies en difficulté, et le Burundi ne fait pas exception. Face à une pénurie chronique de carburant, les autorités burundaises espèrent transformer les gisements minéraux en source de devises et de développement. Cependant, cette perspective soulève des questions quant à la faisabilité et l’efficacité d’une telle stratégie.

Les promesses du gouvernement burundais

Le gouvernement burundais, par l’intermédiaire de son porte-parole Jérôme Niyonzima, a clairement exprimé son optimisme quant au potentiel du secteur minier. Lors d’une émission publique à Rumonge, Niyonzima a suggéré que l’exportation de minerais pourrait résoudre les problèmes de devises et donc, par ricochet, la pénurie de carburant. Cette vision repose sur l’idée que les recettes en dollars issues des ventes de minerais permettraient de stabiliser l’approvisionnement en produits pétroliers.

Cette initiative s’inscrit dans une série de mesures pour assainir le secteur, y compris l’engagement du président Evariste Ndayishimiye à renforcer les réglementations et à promouvoir une exploitation gagnant-gagnant des ressources minières. Pourtant, ces promesses sont accueillies avec scepticisme par les économistes et les observateurs avertis.

Analyse des réalités économiques et structurelles

L’analyse critique de la situation burundaise révèle plusieurs obstacles majeurs à l’exploitation minière rentable. À première vue, les réserves de minerais tels que l’or, le nickel, et le coltan semblent être une solution attrayante. Cependant, la transition d’une exploitation artisanale à une exploitation industrielle est semée d’embûches. Non seulement cette transformation nécessite des investissements énormes en infrastructures et en technologie, mais elle est également entravée par une gouvernance fragile et une corruption omniprésente.

En 2023, seules 6 273 590 939 BIF ont été versées au Trésor public, soit un maigre 24 % des prévisions. Cela soulève des questions sur la gestion et l’efficacité des initiatives gouvernementales dans le secteur. Les attentes déçues en matière de recettes fiscales reflètent une évasion fiscale élevée, générée par des pratiques de transfert de prix entre les entreprises locales et leurs filiales offshore.

Projections pour l’avenir du secteur minier

En considérant les tendances actuelles, il est crucial de reconnaître les défis considérables qui attendent le Burundi dans l’exploitation de ses ressources minières. À court terme, même si le gouvernement réussit à exporter des minerais, la volatilité des prix mondiaux pose un risque majeur. Des fluctuations comme celles observées en 2022 pour certains métaux pourraient rapidement neutraliser les bénéfices escomptés.

À moyen et long terme, la durabilité du développement minier burundais repose sur plusieurs facteurs : l’amélioration des infrastructures, l’attraction de capitaux étrangers, et la mise en place d’une gouvernance transparente. Sans oublier l’impact environnemental négatif potentiel d’une exploitation minière intensive, qui pourrait nuire aux terres arables et à la sécurité alimentaire dans un pays déjà densément peuplé.

Implications géopolitiques et économiques

L’essor du secteur minier burundais n’est pas sans implications géopolitiques. En augmentant ses exportations de minerais, le Burundi pourrait renforcer ses relations avec des partenaires commerciaux étrangers, notamment en Asie et en Europe. Néanmoins, la dépendance accrue envers les marchés internationaux expose également le pays à des tensions géopolitiques, ainsi qu’à des sanctions économiques potentielles en cas de détérioration des relations internationales.

En interne, la centralisation du commerce minier pourrait exacerber la corruption et les inégalités, si les mesures de transparence et de répartition équitable des richesses ne sont pas mises en place. Le risque de « malédiction des ressources », où la richesse minière alimente les conflits plutôt que le développement, est une réalité que le Burundi doit soigneusement éviter.

Recommandations pour une stratégie durable

Pour tirer parti de ses ressources minières de manière efficace et durable, le Burundi doit dépasser le cadre des simples intentions politiques et établir une stratégie économique holistique. Cela commence par une cartographie détaillée des ressources minérales et l’établissement de partenariats fiables et bénéfiques. Assouplir les relations diplomatiques avec les bailleurs de fonds occidentaux pourrait également faciliter l’obtention du soutien nécessaire pour le développement industriel.

Investir dans des infrastructures de base, telles que les transports et l’énergie, est indispensable pour soutenir le secteur minier, tout comme la diversification économique pour éviter une dépendance excessive aux prix volatiles des minerais. Enfin, la création d’un fonds souverain transparent et l’amélioration des mécanismes de gouvernance pourraient garantir une gestion équitable des revenus issus de l’exploitation minière.

En somme, alors que le potentiel minier du Burundi est indéniable, sa transformation en un levier de développement économique substantiel nécessitera des réformes structurelles profondes et une vision à long terme, loin des slogans et davantage ancrée dans la réalité économique du pays. Le défi est immense, mais avec une approche stratégique et concertée, le secteur minier pourrait véritablement contribuer à une amélioration significative de la qualité de vie des Burundais.

Source : Iwacu

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